Période pré-électorale au Cameroun : RSF appelle les autorités à ne pas mettre les médias sur la touche
Suspensions de médias et de journalistes, irruption de policiers dans un média en pleine émission… À un mois et demi de l’élection présidentielle du 12 octobre, les atteintes à la liberté de la presse se multiplient de manière inquiétante au Cameroun. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités à y mettre fin et à s’engager à ne pas entraver le libre exercice du journalisme, particulièrement important dans les périodes entourant une élection.
Les Camerounais se rendront aux urnes le 12 octobre prochain. Dans ce pays où le président actuel âgé de 92 ans, Paul Biya, a annoncé briguer un huitième mandat et où son principal opposant, Maurice Kamto, a été officiellement exclu de la course électorale par les autorités, la presse marche sur des œufs. L'élection présidentielle se rapproche, les atteintes à la liberté de la presse se multiplient.
Le 7 août, une dizaine de policiers et le sous-préfet du premier arrondissement de Douala, Arnaud Heungap, font irruption dans les locaux de la chaîne de télévision privée STV Cameroon pendant la diffusion d’une émission préenregistrée ayant pour invité Dieudonné Yebga, un ancien cadre du parti d’opposition Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (MANIDEM), dont la candidature à l’élection présidentielle a également été invalidée. Les agents exigent l’interruption immédiate du programme, sans document officiel ni justification : l’émission est coupée au bout de huit minutes. Malgré les demandes de RSF, les autorités n’ont pas justifié cette coupure brutale.
Deux semaines plus tôt, le Conseil supérieur de la communication (CNC), l’organe de régulation des médias, sanctionnait plusieurs médias lors de sa 47e session ordinaire, tenue le 23 juillet. Le journal satirique Le Popoli et son directeur de publication, Paul Louis Nyemb Ntoogue, ont été interdits de diffusion et d’exercice pour six mois après avoir été “reconnus coupables de manquement professionnel et de viol de l'opinion”, pour une caricature représentant un ministre remettant une enveloppe au pape. Le directeur de publication du journal L’opinion Publique, Patrice Polla, et la journaliste Anne Azewa ont, quant à eux, été suspendus de leurs fonctions pour deux mois après des déclarations critiques, jugées abusivement comme étant des propos “portant atteinte à l’honorabilité” du ministre par intérim des Mines et de l’Industrie.
“Nous déplorons une situation étouffante pour les médias critiques au Cameroun. Durant cette période pré-électorale, où le droit à l’information est particulièrement essentiel, les médias qui ne vont pas dans le sens du régime sont sévèrement sanctionnés ou même physiquement empêchés de travailler. RSF appelle les autorités à mettre un terme à ces atteintes à la liberté de la presse et à s’engager à ne plus entraver le libre exercice du journalisme, avant, pendant et après le scrutin.”
Sadibou Marong, Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF
Les journalistes empêchés de faire leur travail
Dans ce contexte tendu pour la presse, les entraves se manifestent aussi par des empêchements à couvrir des événements publics : le 26 juillet, plusieurs professionnels des médias invités à couvrir un point de presse par le président du MANIDEM ont été empêchés par les forces de l’ordre d’accéder au siège du parti à Douala, la capitale économique sur la côte ouest du pays. Ceux qui avaient déjà pris place dans la salle ont été intimés de quitter les lieux. La candidature de Maurice Kamto venait alors d’être rejetée par le conseil électoral d’Élections Cameroon (ELECAM).
Deux jours plus tard, les journalistes, à nouveau invités pour couvrir une déclaration du même politicien, ont encore une fois été empêchés d’accéder au siège du parti par les forces de l’ordre. Des agissements condamnés immédiatement par le Syndicat national des journalistes du Cameroun (SNJC), qui déplore un “climat d’intimidation et de suspicion, contraire à l’esprit d’ouverture et de transparence que requiert un processus électoral crédible”.
Le Cameroun occupe la 131e place sur 180 pays et territoires dans le Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF en 2025.
Source : RSF
CP Reporters Sans Frontières (RSF)
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