Biographie : Ancien président du Nigéria, qui était le général Muhammadu Buhari ?
Général Muhammadu Buhari, militaire et homme d'État, Chef de la junte militaire (1983-1985), puis Pprésident de la République fédérative du Nigéria (2015-2023)
Muhammadu Buhari est né le 17 décembre 1942 à Daura, Nigéria britannique. Membre de l’ethnie Peuhle, il est le 23è enfant de Mallam Hardo Adamu, chef de tribu, et de Zulaihat, métisse Haoussa-Kanouri.
Elevé par sa mère au décès de son géniteur, il fréquente l’école primaire à Daura et Mai'Adua, puis le lycée à Katsina. Il épouse Safinatu Yusuf en 1971, avec laquelle il aura cinq enfants ; divorce en 1988, et se remarie avec Aisha Halilu en décembre 1989, qui lui donnera cinq autres enfants.
Carrière militaire remplie
Ancien élève de l'école militaire de Kaduna, Muhammadu Buhari intègre les forces armées nigérianes en 1961. Un an plus tard, il bénéficie d’une première formation d’élève-officier en Angleterre. A son retour, en janvier 1963, il est nommé sous-lieutenant puis commandant de peloton au 2è Bataillon d'infanterie, basé à Abeokuta. Quelques mois plus tard, il retourne en Angleterre pour une nouvelle formation.
Commence alors pour lui, une carrière glorieuse dans le métier des armes, au cours de laquelle il sera nommé successivement :
- Commandant du 2è Bataillon d'infanterie (1965-1967) ;
- Major de Brigade, 2è Secteur, 1re division d'infanterie (1967) ;
- Major de Brigade, 3e Division d'infanterie (1967 - 1968) ;
- Commandant, 31e Brigade d'infanterie (1970 - 1971) ;
- Adjudant Général adjoint, 1re Division d'infanterie (1971 - 1972) ;
- Directeur par intérim des transports et de l'approvisionnement de l'armée (1974 - 1975) ;
- Secrétaire militaire, QG de l'armée, membre du Conseil militaire suprême (1978 - 1979) ;
- Colonel (1979 - 1980) ;
- Officier Général Commandant, 4e division d'infanterie (1980 - 1981) ;
- Officier Général Commandant de la 2e division d'infanterie mécanisée (1981) ;
- Officier Général Commandant de la 3e division armée (1981).
En 1983, le Tchad envahit le Nigeria. Officier Général Commandant de la 3e division blindée de Jos, Muhammadu Buhari est chargé par le Président Shehu Shagari de repousser l’armée tchadienne hors de l'État de Borno qu’elle occupait. Il la repoussera jusqu’à 50 km en territoire tchadien… Il sera sanctionné pour indiscipline.
Crédit photo : Chatham House, CC BY 2.0,
L’affaire du Biafra et son entrée en politique
Le Nigéria est l’un des pays les plus grands, les plus peuplés et les plus riches d’Afrique, et l’armée y joue un rôle très important en politique comme en témoigne le nombre important de coups d’Etat militaire qu’il a connus.
En juillet 1966 déjà, le Commandant Muhammadu Buhari participe au coup d'État qui renverse le Général Johnson Aguiyi-Ironsi et purge l’armée de la plupart des officiers de l’ethnie Igbo, quelques mois avant que n’éclate la guerre du Biafra (1967 - 1970).
Le Biafra est l’Etat le plus riche du Nigéria. Sa richesse est basée sur les ressources pétrolières, et sa population est composée majoritaire de l’ethnie Igbo à majorité Chrétiens et animistes.
Tout commence au début de l’année 1966, lorsque le Général Johnson Aguiyi-Ironsi, de l’ethnie igbo prend le pouvoir par la force. Plusieurs hauts dignitaires originaires du nord Musulman, parmi lesquels le Premier ministre Abubakar Tafawa Balewa et le sultan de Sokoto, Ahmadu Bello sont alors assassinés par les militaires, provoquant un début de guerre civile. C’est ainsi que, quelques mois plus tard, le 29 juillet 1966 précisément, le Général Aguiyi-Ironsi est renversé et assassiné à son tour, ainsi que 240 officiers Igbos et des milliers de civils originaires du Sud. Le colonel Yakubu Gowon, membre de la minorité ethnique Ngas (ou Angas) est le nouveau Président du Nigéria.
Pendant que la guerre civile fait rage, le Biafra tente de faire sécession avec le soutien militaire de la France, et sous la férule du colonel Odumegwu Emeka Ojukwu, le 30 mai 1967. Mais la rébellion est matée par l’armée, et Ojukwu se réfugie avec sa famille à Abidjan (Côte d’Ivoire). Au total, la guerre civile au Nigéria aura fait plus d'un million de morts, dont 100.000 soldats.
En 1975, l’Adjudant Général adjoint Muhammadu Buhari est nommé gouverneur de l'État du Nord-Est. Un an plus tard, en mars 1976, le nouveau Président, le général Olusegun Obasanjo qui vient de créer la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC), le nomme Commissaire Fédéral chargé du Pétrole et des Ressources naturelles. Muhammadu Buhari sera ensuite nommé Président du Petroleum Trust Fund (PTF), créé par un autre Président, le général Sani Abacha.
En 1983, suite à l’invasion du Nigéria par le Tchad et à son héroïque intervention pour bouter l’agresseur hors des frontières nationales, le Général Muhammadu Buhari renverse le Président démocratiquement élu, Shehu Shagari et met fin à la 2ème République née en 1979. Il sera renversé à son tour en 1985 par le Général Ibrahim Babangida, et condamné à 3 ans de prison qu’il purgera à Benin City.
Lutte contre la corruption
Le premier passage au pouvoir du Général Muhammadu Buhari a suffi à donner de lui l’image d'un homme intègre dans l’opinion publique nigériane. L’homme jouissait effectivement d’une réelle popularité au sein des populations.
Points d’ombre sur son tableau de médailles, toute sa carrière politique durant, le Général Buhari ne parviendra pas à vaincre Boko Haram, à mettre fin aux conflits entre pasteurs nomades et agriculteurs, ni même à faire passer sa Loi sur le commerce et de pétrole destinée à combattre la corruption.
La récession économique frappe de plein fouet le Nigéria en 2016, mais le pays renoue avec la croissance l’année suivante. Toutefois, le chômage passe de 8 % à 23 %, la dette publique passe de 13 à 21 % du PIB, et l’inflation approche les 20 %.
Pourtant, Buhari est à l’origine de nombreuses réformes de l'économie du Nigéria. En effet, il a encouragé l'industrialisation de son pays et essayé d’en rééquilibrer les finances publiques en implémentant de nouveaux systèmes socio-politique et économiques pour lutter contre l'austérité. Il a même dit non au Fonds monétaire international (FMI) qui lui avait demandé de dévaluer la monnaie nationale, le naira de 60 %.
Un dernier fiasco a été la tentative d’exfiltration de Londres, de Umaru Dikko, ancien ministre des Transports, accusé d'avoir détourné plus d'un milliard de dollars de profits pétroliers. L’homme est enlevé par les services secrets nigérians, enfermé dans un sac plastique, puis dans une valise diplomatique. Cependant, la caisse n’étant pas une valise, la douane de l'aéroport procède à la fouille et découvre le pot aux roses…
Expulsion d'étrangers et violation des droits humains
C’est surtout lorsqu’il avait pris le pouvoir par la force que Buhari s’était attiré les foudres de la communauté internationale. En effet, lorsqu’une grave crise alimentaire frappe le Nigéria en 1984-1985, le Général Buhari, alors chef de la junte militaire au pouvoir, expulse près de 2 millions d’étrangers et de travailleurs migrants dont 1 million de Nigériens sans tenir compte du fait que les pays voisins, le Niger, le Bénin, le Tchad et le Cameroun font face à la même calamité.
Il commet tellement d’impairs que l’écrivain Wole Soyinka se voit décerner le prix Nobel pour sa pièce de théâtre « Les crimes de Buhari ». A cette époque, les manifestations et autres grèves sont strictement interdites au Nigéria. De nombreux opposants politiques dont le célèbre chanteur Fela Anikulapo Kuti (de son vrai nom Olufela Olusegun Oludotun Ransome-Kuti) sont emprisonnés, et plus de 200.000 fonctionnaires violentés et licenciés. Les journalistes accusés de diffamation passent devant la cour martiale où ils encourent une peine minimum de 10 000 nairas et de deux ans de prison. Au nom de la War against indiscipline (WAI), toute personne considérée comme indisciplinée est fouettée en public par les soldats, et tout étudiant surpris en train de tricher à un examen peut être condamné à 21 ans de prison.
Plus grave, l'article 3 du décret No 20 signé par Buhari stipule que « toute personne qui, sans autorisation, vend, fume ou inhale une drogue comme la cocaïne ou toute autre drogue similaire, est coupable en vertu de l'article 6 d'infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité, la peine de mort par peloton d'exécution ». De même, toute personne accusée d’incendie criminel ou de fabriquer de la fausse monnaie ou de faux documents est passible de la peine de mort. Condamné à 10 ans de prison, Fela sera libéré 18 mois plus tard à la chute de Buhari.
En effet, le Général Muhammadu Buhari est renversé en août 1985, au moment où sa politique commençait à montrer des résultats en matière d’assainissement de la vie publique, de lutte contre la corruption, de réduction de l'inflation et de relance de l’économie nationale.
Bilan mitigé et maladie
Entré en politique, en 2001, le Général Buhari invite en langue Haoussa à Sokoto, les Nigérians à donner le pouvoir à un Musulman, considérant qu’ils sont les plus nombreux au pays.
D’abord sous la bannière du All Nigeria People's Party (ANPP), puis, à partir de 2010 pour le compte du Congrès progressiste (APC) dont il est co-fondateur, Muhammadu Buhari se lance dans la compétition pour l’élection présidentielle du 16 avril 2011 face à 20 candidats. Son programme de campagne est basé sur la lutte contre la corruption et l'impunité. Il se déclare également favorable à l'application de la charia islamique dans les États du nord du Nigeria. Ces élections, qualifiées par l’ONG Human Rights Watch comme l’une des « plus belles de l'histoire du Nigeria » font quand même 800 morts à travers le pays.
En 2013, Muhammadu Buhari fait des déclarations tendancieuses sur la légitimité du groupe terroriste Boko Haram, et critique l’activisme des Chrétiens du sud à qui il impute l’insécurité grandissante dans le pays et les exploitations clandestines du pétrole du pays, notamment dans le Delta du Niger. Il échappe malgré cela à un attentat à la bombe perpétré par Boko Haram, un an plus tard, à Kaduna. A la suite de cette agression qui fait 82 morts, il relativise sa position sur la liberté de culte le 4 janvier 2015, en déclarant « la religion ne doit jamais être utilisée pour obtenir un avantage injuste, opprimer ou diviser les Nigérians », ou encore « tous les Nigérians doivent adorer Dieu selon leur souhait »
Lorsqu’il annonce sa candidature à l'élection présidentielle de 2015, son principal adversaire, le Président sortant, Goodluck Jonathan, essaie de le disqualifier en affirmant qu’il n’a même pas le Certificat d'études secondaires exigé par la Constitution. Mais le Général Buhari triomphe grâce à sa carapace d'homme honnête, et remporte les élections du 28 mars 2015 avec 54 % des voix.
Mais deux ans après son élection à la magistrature suprême, plus précisément en janvier 2017, le Général Buhari tombe subitement malade. Il part se soigner en Angleterre. Son retour annoncé à deux reprises est reporté, alimentant des rumeurs de décès. Il retourne finalement à Abuja le 10 mars 2017, mais pour quelques mois. Car le 7 mai 2017, il est de nouveau hospitalisé à Londres. Des manifestations éclatent dans le sud du pays qui ne lui est pas favorable, pour demander sa démission ou son retour. Il écourtera son séjour médical pour rentrer au pays.
Toujours candidat de l’APC, Muhammadu Buhari est réélu Président du Nigéria au premier tour des élections du 23 février 2019. Il quitte le pouvoir à la fin de ce second mandat de 4 ans, en 2023. La santé toujours fragile, il se retire dans son village natal, à Daura.
Le Général Buhari est décédé à Londres le 13 juillet 2025, à l'âge de 82 ans. Un grand homme s’en est allé.
Seydou Koné, avec Wikipedia
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